S’il y a bien un groupe de black metal qui retient
encore mon attention aujourd’hui, c’est Verdunkeln. J’apprécie bien d’autres
choses dans le style, mais il s’agit souvent d’entités musicales qui
s’éloignent fortement des critères « classique » du genre (non que ce
soit un problème cela dit).
Le cas Verdunkeln est différent, car leur musique
reste au fond relativement conventionnelle pour le style. Pourtant, le groupe
parvient encore aujourd’hui à retenir mon attention, même si les
« nouveautés » black metallique me laissent de plus en plus
indifférent, voire sceptique quant à la pérennité de ce genre musicale.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que Verdunkeln
est un groupe discret, chose que j’avais déjà pu repérer lors de leurs
précédentes sorties. Rappelons-le, Verdunkeln a d’abord sorti une première démo
en 2005, remarquable en dépit d’un son médiocre, puis un brillant premier album
en 2007. Il aura donc fallu attendre cinq ans pour que le combo nous ressorte
enfin du nouveau son. Quand on connaît la durée de vie de certains groupes de
metal, cinq années, ce n’est pas rien (n’est pas Darkthrone qui veut…). De quoi
passer à la trappe. D’ailleurs, c’est par un pur hasard que je suis tombé sur
leur nouvel album, persuadé que j’étais que le groupe s’était arrêté. Il faut
dire que la sortie de l’album s’est faite subtilement, sans grand bruit ni
matraquage mercantilique.
Chroniquer cet album m’est difficile. En effet, on
pourrait globalement dire que le groupe nous propose la même recette que sur
leur précédente galette, sans réel changement, sans ligne directrice
différente, sans évolution majeure. A tout le moins faut-il bien reconnaitre
que l’angoisse du « retour après cinq années d’absence » est vite
estompée, on ne se retrouve pas avec un album qui n’a plus rien à voir avec ce
que faisait le groupe avant et qui laisse sérieusement à désirer (si si, ça
arrive). On retrouve ainsi un black metal atmosphérique tout en mid-tempo, au
blast discret, présentant le même type de construction des morceaux que leur
dernier opus : des riffs qui plantent l’épaisseur du décor accompagnés par
diverses mélodies qui créent toutes cette atmosphère si particulière. Le son
est également du même genre, sorte de marque de fabrique du groupe, à la fois
froid et humide, comme si nous errions dans une forêt aux premières lueurs de l’aube.
A peine quelques éléments ici où là sonnent-ils plus novateurs, de quoi
différencier les albums pourrait-on dire en étant mauvaise langue. Le chant,
par exemple, m’est apparu encore plus varié, partant d’une base black classique
(plus ou moins hurlé) et n’hésitant pas à se faire plus clair, voire même
chuchoté, ce qui renforce souvent la force des compositions. Les paroles en
allemand vient apporter à certain moment un côté martial qui étrangement ne fait
pas tâche avec le reste.
Mais alors qu’a-t-on au juste ? Un album bis
sans intérêt ? Eh bien non, pas sans intérêt, même si la recette est
semblable. Et c’est justement là que Verdunkeln me bluffe, car leur musique si
particulière me happe à chaque fois. Je me laisse embarquer par ses arpèges
froids et humides, tellement hypnotiques qu’ils en deviennent étonnamment
psychédéliques ; et me retrouve baignant dans une atmosphère brumeuse
difficilement descriptible, marquée par une dimension un peu baroque, un peu
bizarre, inquiétante sans être angoissante, sombre sans être désespérée pour
autant, presque apaisante même. Je crois que toute la force du groupe réside
dans cette capacité à nous mettre en contact avec des tableaux oniriques très
intimes, voyages aux confins de l’esprit, dans cette zone quasi mystique et
primaire où les notions de noir et de blanc, d’ombres et de lumières, se
confondent. N’est-ce pas d’ailleurs là le sens du titre, « Weder Licht
noch Schatten » signifiant quelque chose comme « ni lumière ni ombre » ?
L’artwork également semble nous amener vers cette confusion entre la figure de
la sainte, donneuse de vie, et la mort. C’est sans doute cette lecture des
choses qui me parle tant, cette idée d’un grand tout complexe où les choses ne
sont pas simplement binaires et opposées. Si seulement je comprenais vraiment
l’Allemand, peut-être pourrais-je saisir ce que Verdunkeln nous offre dans ses
textes.
Verdunkeln signe donc un nouveau petit chef d’œuvre
de black metal ambient, dont l’intensité et la profondeur n’ont rien à envier
aux premiers albums de Burzum, ceux-là mêmes qui constituent la référence de
base de mon expérience dans le domaine. J’irais même jusqu’à dire que
Verdunkeln poursuit avec brio le travail de Burzum, ce dernier ayant largement
périclité depuis (pas la peine de s’étendre sur le sujet…). Verdunkeln m’a
aussi beaucoup fait penser au Bergtatt d’Ulver avec cet album, du fait de sa
dimension onirique, comme si nous suivions une histoire, plus encore, comme si
nous étions dans celle-ci à contempler ce qui se passait. Le seul regret au
final est peut-être la pointe de linéarité qui reste après coup, l’homogénéité de
l’album ne laissant pas la place à une construction « logique » avec
un début et une fin, l’intensité constante entre les morceaux ne permettant pas
de mettre en relief un élément par rapport à un autre. C’est bien là le seul
défaut de cette pièce majeure qui trouvera sûrement à s’épanouir auprès des
auditeurs avec le temps.
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