Revoilà l’infamie. Si peu de temps après son dernier assaut. Même pas eu le temps de s’en remettre, qu’il va nous falloir replonger. Je l’entends qui s’éveille, qui croît, doucement… L’Horreur arrive, suintante, prête à s’abattre. Le cœur palpite, la pensée s’arrête. Un premier cri, elle hurle soudainement, comme prise d’une colère effroyable. Puis un instant de vide. Et le déferlement subvient : une masse noire et visqueuse, extrêmement puissante, nous écrase ; les sensations sont violemment prises à parties, torturées, poussées dans leur retranchement. Tenter de résister, tenir autant que possible, les yeux clos et les mains pressant douloureusement sur les oreilles pour tenter d’étouffer le bruit. Il n’y a que ça à faire, avant que ça ne s’arrête, sans raison, comme cela a commencé.
Mais cela s’arrête-t-il vraiment ? Le point de rupture est dépassé
et l’on se prend aux pièges ; c’est à notre tour de laisser s’éveiller la
bête tapie au fond de nous. Une errance s’engage alors, mêlant impulsivité et incompréhension,
les contours s’amenuisant peu à peu. Le corps tremble et la tête s’y perd, les
muscles réagissent seuls, comme un instinct. Impossible de saisir ce qui se
passe, on se sent joué par une énergie rampante venue d’on ne sait où, elle
s’impose et on se retrouve à déambuler en délirant, les yeux hagards, comme en
transe.
A peine le temps d’un souffle et le Son nous rembarque, nous sommes à
nouveau pris par cette étrangeté qui nous pousse de plus en plus loin dans les
méandres de l’univers physique, là où les perceptions se liquéfient peu à peu
pour soudainement se perdre. L’écart se creuse et on ne sait plus quoi croire.
Que se passe-t-il donc ici ? Le pire est notre conscience, en lambeaux
certes, mais encore suffisamment lucide pour nous obliger à nous confronter à
ce qui se passe. Les hallucinations épouvantables déferlent et l’Horreur se
constitue un peu plus. L’espoir est mort depuis longtemps, violée par la folie.
Ce qui se dresse devant nous est sidérant d’ignominie et les mots fuient pour
décrire cette décadence, que personne n’oserait croire. C’est froid, tellement
froid… la brûlure est trop intense, impossible de poursuivre…
Un réveil soudain, en sueur, le cœur prêt à crever la poitrine. Puis
sans attendre nous assaillent les souvenirs acérés comme des épines
empoisonnées. L’Horreur est diffuse, mais elle subsiste et ronge la moindre
parcelle de conscience ; rien n’empêche cette abomination de ramper,
toujours un peu plus loin, réduisant à néant tout ce qu’elle rencontre.
C’est fini. Il n’y a plus rien à retenir. Les visages se sont éteints
et les yeux se sont tus. Il n’y a plus qu’une matière tellurique, noire et
curieusement lisse et rugueuse à la fois. Sa victoire est indiscutable, plus
rien ne la retient.
Un dernier soupçon de vie se fait sentir, un sentiment d’anéantissement
suprême et de désolation résignée, presque apaisant. Le calme ne fait que
mettre en exergue l’absurdité de nos sensations, complètement déréglées et
désormais hors de porté. Seul signe de résistance, le battement trop lointain
d’un cœur à l’agonie, qui ne dure que pour mieux se jouer de sa déchéance.
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